Bien sûr, les positions de Thilo Sarrazin sont inacceptables. A coup de statistiques innombrables censées étayer ses thèses, le grand argentier défend des positions outrancières qui ne permettent nullement de mener à froid un débat sur l'intégration des étrangers à bien des égards déficiente en Allemagne. En insistant sur les dangers pour la société, en se focalisant sur l'islam accusé de tous les maux, en évoquant l'héritage de la bêtise chez les plus pauvres à commencer par les immigrés, en jugeant leur apport à la société uniquement négatif, Thilo Sarrazin ne permet pas à un débat de fond de s'établir.

Tout ce que le pays compte de bien pensants lui est tombé dessus à bras raccourcis, la classe politique, les organisations rassemblant les immigrés, le conseil central des juifs d'Allemagne, les commentateurs dans les journaux. 

Aussi justifiées que soient ces critiques, elles n'en constituent pas moins un risque: celui de faire de Thilo Sarrazin un martyr aux yeux de ceux qui sympathisent avec ces thèses. Les réactions de lecteurs publiées par le quotidien à sensation "Bild Zeitung" qui est lu par des gens simples en dit long à ce sujet. L'exclusion que le parti social-démocrate souhaite pour ce membre encombrant ou encore la pression sur la Bundesbank pour qu'elle se débarasse d'un responsable nuisible à l'image de l'auguste institution, cela peut renforcer l'image de martyr de Sarrazin. 

Peut-être faudrait-il raison garder. L'intéressé est un provocateur de première, c'est vrai. Mais il n'exerce pas de fonction politique qui impose une responsabilité particulière. Il n'est pas élu à quelque niveau que ce soit. Il n'a pas de fonction au sein de son parti. 

Les médias font aussi le jeu de ce trublion en se précipitant à la présentation de son libre prise d'assaut (une remarque qui vaut aussi pour l'auteur de ses lignes). L'éditeur peut se frotter les mains. Toute campagne de pub est superflue et le succès de librairie est assuré. Certes les commentaires sont presque tous négatifs, mais ce qui est sulfureux se vend bien. Et peut séduire des personnes qui rejettent de toute façon l'establishment bien pensant.