04 févr. 2012 - 13:45
Dans son article paru début janvier, l'auteur Nina Pauer désespère et écrit à propos de l'homme allemand contemporain:
"Il se prend la tête, il est coincé, pas sûr de lui, nerveux et peureux, mélancholique. (...) Il ne sait pas quand il faut conclure. Au lieu de flirter, il joue le bon copain sensible. Timide dans sa veste en tricot, dissimulé derrière des lunettes d'écaille, il se cramponne dans un bar obscur à sa bière. (...) Il prend soin de lui, il est poli, gentil, toujours propre sur lui, il utilise des parfums et des crèmes, il fait des régimes et il écoute de la musique pour fille délicieusement mélancolique.
Mais quand l'heure est arrivée de se pencher pour embrasser une jeune femme, il se prend la tête. Elle ne veut peut-être pas. Elle préfère peut-être faire le premier pas. Il faudrait peut-être ne pas placer une possible relation sur le dangereux niveau de l'érotisme et en rester à un rapport platonique."
"Softie" "Weichei-couille molle", "Warmduscher-celui qui prend des douches chaudes" (par rapport aux vrais mecs qui n'ont pas peur de l'eau froide), "pousseur de poussette" : autant de synonymes en vogue.
Le débat lancé ou relancé par "Die Zeit" se poursuit depuis un mois. Dans le magazine "Der Spiegel" un homme réplique au premier article et ironise sur ces Werther des temps modernes et sur la nostalgie de la gente féminine pour les bons vieux machos. Les femmes n'ont qu'à s'en prendre à elles mêmes d'après ce colllègue. Elles veulent tout avoir d'après lui et ne savent plus finalement ce qu'elles désirent vraiment.
Le quotidien de gauche "Tageszeitung" consacre ses colonnes abondamment au sujet. Il a été il est vrai un fervent défenseur du féminisme depuis les années 70. Un féminisme dont les excès auraient abouti à une castration des mâles.
Le journal donne la parole à la chanteuse Ina Deter qui il y a trente ans avait fait un tube baptisé "Neue Männer braucht das Land-le pays a besoin de nouveaux hommes". En 2012, elle n'est toujours pas sûre de les avoir trouvés.
La chanson de Ina Deter: www.youtube.com/watch
Le débat me rappelle de nombreuses conversations avec des Français et Françaises en Allemagne qui ont parfois du mal avec les règles du jeu du flirt germanique. Dans son livre "Les pintades à Berlin", ma collègue Hélène Kohl écrit : "On mate? Non, surtout pas... La règle d'or -qui rend l'exercice aussi aisé qu'un numéro de claquettes sur une corde raide- consiste à ne surtout pas laisser voir qu'on est intéressée. Et comme monsieur adopte la même conduite, c'est super, personne ne se rend compte qu'il plaît à l'autre".
Quant à ma charmante collègue Cécile Calla, elle s'étonnait dans son livre "Tour de Franz-Mein Rendez-Vous mit den Deutschen" de découvrir que son nouveau copain à Berlin possèdait dans sa salle de bain non seulement un déo, mais aussi une crème pour le visage, une lotion pour le corps ce qui suscita chez l'intéressée des doutes sur l'orientation sexuelle du dulciné. Avant d'en arriver à ce stade, Cécile Calla décrit le parcours de la combattante gauloise : "Nous autres les Françaises en Allemagne, nous nous sentons invisibles, inexistantes, sans valeur. Le flirt est une valeur inconnue".
Un choc culturel que le groupe "Wir sind Helden" a illustré dans une chanson sur une petite Française en Allemagne en proie aux curieux codes du flirt germanique "Aurélie". Petits extraits traduits en français (voir la chanson en allemand ci-dessous):
Aurélie, c'est pas comme ça que ça fonctionne
Tu en demandes beaucoup trop,
Les Allemands flirtent très subtilement
Aurélie, en Allemagne, l'amour demande du temps
Ici, on a besoin de quelques jours avant de faire le premier pas
Les semaines suivantes, on discute
On veut tout savoir
avant le premier rendez-vous
www.mojvideo.com/video-wir-sind-helden-aurelie/9c843c84f70ea237266a
Les mêmes remarques désabusées se retrouvent d'ailleurs chez les Français exilés en Allemagne qui rament pour maîtriser des codes très exotiques pour eux. Les germanophones pourront se régaler en lisant le livre de Alain-Xavier Wurst (en français "saucisse", même si son nom ne lui a pas toujours été d'une grande utilité, pour les préliminaires en tout cas). Dans son livre "Zur Sache, Chérie" il décrit "comment un Français désespère face aux femmes allemandes".
Toutes ces remarques nécessitent un bémol. Comme le remarquent différents journaux et autres lecteurs dans des forums, les angoisses des femmes allemandes sur leurs mâles insuffisamment virils concernent avant tout de jeunes citadines bobos. Le quotidien "Tageszeitung" ironise : "les journalistes des pages culture rencontrent peut-être les mauvais. Ca n'est pas dans un vernissage à Friedrichshain -un quartier branché de Berlin- qu'elles vont rencontrer des machos purs et durs, mais plutôt dans une fête de village en Bavière ou dans les stades".
7 Comments
Je confirme. Je suis française, j'ai vécu 4 ans en Allemagne. Les Allemands, souvent beaux et athlétiques... sont très timides et coincés (en majorité). Pas d'attentions ni de manière qui valorisent la femme lors d'un RV, qui font sentir qu'ils "la veulent". En un mot: aucune initiative. Ils ont peur, et ça fait mal au coeur.
J'ai l'impression que quelque part, les femmes allemandes sont des rétrogrades d'un autre siècle (sur cet aspect bien sûr), elles valorisent excessivement le romantisme. C'est d'un désuet je trouve. Comme si c'était la seule valeur en soi. Elles condamnent ainsi la virilité des mâles qui culpabilisent de cette belle virilité. Comme si la virilité était systématiquement associée au machisme primaire. Faux! La masculinité coexiste tout à fait au sein même d'un homme tout à fait civilisé, heureusement! De même qu'une femme qui assume sa féminité, qui aime s'exprimer physiquement avec vêtement et maquillage, qui adore la sexualité et surtout l'érotisme (et pas du tout le romantisme par exemple)... peut être féministe, oui, parce qu'elle n'est pas objet, elle fait ce qu'elle veut, c'est tout. C'est terminé les féministes de la première génération qui avait besoin de revendiquer en faisant abnégation de leur féminité. On est au 21ème siècle.
Je ne sais pas, il y a globalement quelque chose de terriblement prude chez les Allemands, de presque catholique intégriste sur cet aspect. Cette manie de condamner l'érotisme à une menace réelle, à l'ennemi suprême. D'imposer au fond le naturel comme un diktat chez la femme, sous peine de ne pas se sentir respectée, je ne sais pas où est la liberté là-dedans.
Il y a une peur sans doute. C'est assez triste car par ailleurs, c'est un peuple top.
Mais j'ai arrêté d'y vivre à cause de ça, comme beaucoup de françaises. Je n'en pouvais plus. Du manque de spontanéité, du manque de sensualité globale, de cette trop grande réserve masculine qui finit par apitoyer.
De ce complexe que j'avais acquis aussi, je n'osais plus me faire belle sous peine d'être jugée, jusqu'à me rendre compte que je souffrais, alors je suis rentrée. Quel bonheur ça a été de retrouver le bagout et le savoir-vivre des hommes français...
Franchement je suis mort de rire!
Pour comprendre les hommes d'aujourd'hui, il suffit de..voir ce qu'ils ont en face d'eux...
Une relation c'est UN ECHANGE. SI LES FEMMES NE PRENNENT PAR LEUR PART DANS LE PROCESSUS DE SEDUCTION, qu'elles ne s'étonnent pas si les hommes les laissent tomber...
NON LA SEDUCTION AU FEMININ CE N'EST PAS LE MAQUILLAGE ET TUTTI QUANTI, MAIS MESDAMES DE DONNER DE VOTRE PERSONNE...LES HOMMES NE VOUS SENTENT PAS PLUS IMPLIQUEES QUE CA...ET VOUS LAISSENT TOMBER, CE N'EST PAS PLUS COMPLIQUE QUE CA...
Voilà encore quelque chose qu'on pourrait qualifier de "pseudo-article"! Je pense que c'est réducteur de se baser sur ce cliché du germanique froid/timoré/castré versus le """latin lover"" MACHO/ fêtard/ coureur de jupon. J'admets que les allemands ont une mentalité beaucoup moins "libérée" que la France parce qu'ils mettent la discipline à l'honneur.J'ai été dans les pays nordiques (incluant la Suède) et en Allemagne, et là-bas les manières témoignent de l'égalité entre l'homme et la femme , en France on a encore du retard.On ne paie pas pour une femme au restaurant tout simplement parce que s'en est une(je me toujours demandé ce qu'on doit donner en retour), on ne fait pas les gestes de "gentleman" comme sortir la chaise ou tenir la porte puisqu'elle peut le faire elle-même (à moins qu'elle ne dispose pas de ses bras).La mentalité et les manières sont justes DIFFERENTES : si en France, on pense que "gueuler un bon coup" (+ dire merde à chaque expiration) règle les problèmes relationnels ( et de couple) dans les autres pays , ce ne sera peut-être pas la solution.
Néanmoins et surtout parce qu'on parle de séduction/relation amoureuse , il est important de ne pas oublier que chaque individu est unique.
Sachez aussi que les machos ne sont plus vraiment à la mode , du moins dans les pays occidentalisés, car les valeurs machistes ne correspondent plus au style de vie que beaucoup de femmes d'aujourd'hui veulent mener.
J'ai vécu avec un allemand et je suis d'accord avec la quasi-totalité de l'article.
- Il avait peur de se jeter à l'eau, et jouait le bon pote. J'ai donc du faire le premier pas.
- La première nuit: panne (dans la fleur de l'âge)
- Il ne pouvait pas taper du poing sur la table quand nécessaire et me laissait volontier ce privilège dont je ne voulais pas l'exclusivité;
- Il préférait que je prenne toutes les décisions;
- Je confirme pour les tricots et les lunettes (+ les pantalons courts), les salades
- j'infirme pour les crèmes et le déodorant
Néanmoins, nous nous entendions parfaitement. Il était aimant, attentionné, tendre, honnête, fiable et je peux lui faire entièrement confiance. Il est aujourd'hui mon meilleur ami.
J'ai l'impression qu'on peut dire exactement la même chose pour les Français en France. Je ne sais pas comment ils se comportent en dehors des frontières hexagonales, mais ici ils sont "couilles-molles".
Heureusement à Friedrichshain il y a des Français. Article très réaliste!
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