Le poids de la shoah, les images de Gaza


La une du quotidien populaire "Bild Zeitung" vendredi dernier: 

"Plus jamais de haine contre les juifs" avec les portraits et déclarations de nombreuses personnalités politiques et de la société civile. 

Le journal réagissait à des dérapages antisémites lors de manifestations pro-palestiniennes.

 Des appels à la haine contre les juifs en pleine rue : dans l'Allemagne de 2014, 70 ans après la fin de la guerre, déjà, des parallèles avec les années trente réapparaissaient, même s'ils sont bien sûr exagérés. Des slogans scandés lors de manifestations de solidarité avec Gaza ont profondément choqué et provoqué de nombreuses réactions. Des responsables politiques les ont condamnés comme la majeure partie des commentateurs dans la presse. 

Bien sûr, l'antisémitisme n'a pas disparu par magie un beau jour de mai 1945 avec la capitulation de l'Allemagne nazie. Des ressentiments anti-juifs ont subsisté depuis comme le démontrent des études régulières. Mais leur expression publique condamnée par la loi restait quasi-nulle. Cet antisémitisme était plus présent sous le manteau, dans des publications de groupuscules néo-nazis. Il faisait la une lors de dérapages de tel ou tel responsable politique ou d'attentats contre des membres de la communauté juive ou ses institutions. 

Les slogans scandés lors de manifestations pro-Gaza ces derniers jours ont brisé un consensus établi depuis la guerre. Ils ont été prononcés par une partie de la population d'origine étrangère qui ne se sent pas liée par ce consensus, qui n'a pas été imprégnée comme le reste de la société allemande du travail de mémoire de l'après-guerre et pour qui le rejet de tout antisémitisme en raison de la shoah est sans doute une réalité trop abstraite et lointaine face à l'agression dont ces personnes s'estiment victimes de la part d'Israël. Le slogan "sionistes=fascistes" revenait d'ailleurs souvent dans les dernières manifestations. 

Les réactions de rejet quasi-unanimes parmi les élites et les médias allemands de ces dérapages antisémites s'expliquent par le poids de l'histoire et la solidarité de l'Allemagne d'après-guerre avec Israël. Angela Merkel a déclaré il y a quelques années que cette solidarité faisait partie de "la raison d'Etat" de son pays. 

Ces prises de positions qu'illustre également à la une de "Bild Zeitung" ne reflète pas l'état de l'opinion pubique allemande qui actuellement est plus partagée que dans le passé sur les responsabilités entre le gouvernement israélien et le Hamas. 

Mais pour les manifestants pro-palestiniens, les prises de position au mieux "équilibrées" et souvent plutôt pro-israéliennes de la classe politique allemande et des médias ne permettent sans doute pas aux dénonciations de l'antisémitisme de les atteindre et pourrait même convaincre certains manifestants du bien-fondé de leurs positions. 

La crédibilité des dénonciations justifiées de l'antisémitisme en Allemagne serait plus forte si une critique plus ferme de la politique du gouvernement israélien se faisait jour. Certes, la rhétorique politiquement correcte consiste à rejetter l'antisémitisme tout en admettant des critiques contre la politique de l'Etat hébreu. Mais celles-ci restent des plus modérées. 

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