14 sept. 2014 - 09:23
"La situation n'a jamais été aussi grave depuis 1945". Les déclarations alarmistes du président du conseil central des juifs d'Allemagne Dieter Graumann cet été intervenaient alors que certains dérapages antisémites ont eu lieu lors de manifestations de soutien à la cause palestinienne dans les rues du pays. Des déclarations minoritaires unanimement condamnées par l'ensemble des responsables politiques mais aussi par les représentants de la communauté musulmane.
Les dirigeants du conseil central des juifs d'Allemagne dénoncent hormis les slogans antisémites entendus lors de manifestations une vague plus générale d'hostilité à leur égard. Certains commentateurs s'interrogent en se demandant pourquoi il a fallu que l'organe représentatif de la communauté juive organise lui même cette manifestation aujourd'hui et pourquoi l'initiative n'est pas venue des partis politiques et différentes organisations qui soutiennent massivement le projet.
Le rabbin Daniel Alter, victime d'une violente attaque antisémite il y a deux ans dans les rues de Berlin, partage les craintes de Dieter Graumann. Il estime que certains tabous sont tombés et que la parole s'est libérée. Il dénonce notamment le rôle joué pour lui par des intellectuels de renom comme Martin Walser ou Günter Grass.
Pour autant, les déclarations estimant que la situation n'aurait jamais été aussi grave depuis 1945 paraissent exagérées. Tout d'abord, la communauté juive vit aujourd'hui dans un Etat de droit en Allemagne, bénéficie de nombreuses protections juridiques, policières et politiques. Certes, les études montrent qu'un quart de la population nourrit des ressentiments antisémites, une proportion non négligeable, mais sans doute comparable à ce qu'on trouve dans d'autres pays.
Et contrairement à la France par exemple où les statistiques témoignent d'une notable augmentation des actes antisémites, une telle évolution n'est pas constatée en Allemagne, pas plus qu'une propension de la minorité juive à quitter le pays pour par exemple se rendre en Israël.
Armin Langer (à gauche sur la photo) est actuellement étudiant au Abraham-Geiger-Kolleg de Potsdam afin de devenir plus tard rabbin. Le jeune Hongrois a créé il y a quelques mois l'initiative Salaam Shalom qui veut favoriser le dialogue entre juifs et musulmans. Il se déclare blessé en entendant les déclarations du président du conseil central des juifs d'Allemagne sur une situation inédite depuis 1945. Armin Langer ne partage pas cette dramatisation et rejette les déclarations d'un Daniel Alter selon lesquelles certains quartiers de Berlin seraient tabous pour les juifs qui y seraient menacés d'agressions physiques. Il rappelle qu'aux chiffres souvent cités des juifs fuyant l'Europe, une vague plus importante d'immigration venue d'Israël est constatée.
Armin Langer a même publié une tribune la semaine passée dans le quotidien "Tagesspiegel" dans laquelle il estimait que les musulmans étaient "les nouveaux juifs" en raison des discriminations dont ils font l'objet.
Cette vision plus optimiste des choses est partagée par l'artiste Adi Liraz (à droite sur la même photo). L'Israélienne fait partie d'une communauté venue de l'Etat hébreu de plus en plus nombreuse à Berlin (20 à 30.000 personnes). Des jeunes souvent, plutôt critiques de la politique de leur gouvernement, séduits par le côté branché de la capitale allemande et qui s'y installent malgré le passé.
La soirée de musique israélienne "Meschugge" (cinglé) lancée à Berlin et qui a essaimé à travers l'Allemagne.
Leur présence vient renforcer une communauté juive qui a beaucoup augmenté depuis la chute du mur. On comptait 30.000 juifs en Allemagne de l'Ouest il y a 25 ans. Ils sont 200.000 aujourd'hui ce qui en fait la troisième communauté d'Europe après la Grande-Bretagne et la France. La majorité est venue grâce à une législation libérale de l'ancienne Union soviétique ce qui a impliqué un énorme effort d'intégration pour les structures existantes, mais aussi des conflits.
Cette nouvelle génération qui n'a pas grandi en Allemagne et n'y a donc pas été socialisée semble moins partager le traumatisme subi par la shoah et cultiver une relation plus décomplexée avec le reste de la société allemande.
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