Merkel: le crépuscule des dieux ?

En Allemagne, en France et ailleurs, les spéculations vont bon train. "La femme la plus puissante du monde" (le magazine amércain "Forbes") ou la personnalité de l'année 2016 couronnée par "Time" va-t-elle être emportée par la crise des réfugiés ? Angie, l'idole des migrants, qu'elle a accueillis généreusement sera-t-elle victime de ses nouveaux hôtes qui l'obligeraient à abandonner le pouvoir? 

Pas une journée ne se passe sans qu’un commentaire ne paraisse dans la presse allemande ou étrangère sur le retrait d’Angela Merkel. La chancelière allemande face aux pressions multiples dont elle est l’objet finirait avant les prochaines élections générales de l’automne 2017 par se retirer.
Il est vrai que ces pressions sont nombreuses. L’accueil de plus d’un million de réfugiés l’an dernier crée pour les collectivités locales des problèmes de plus en plus insolubles de logistique et met à mal leurs finances. La population est plus sceptique qu’elle ne l’était il y a quelques mois et les inquiétudes l’emportent de plus en plus sur l’impératif humanitaire. La montée en puissance dans les sondages du parti populiste Alternative pour l’Allemagne illustre cet état d’esprit que les agressions de la Saint-Sylvestre à Cologne et ailleurs n’ont fait qu’aggraver. La CDU d’Angela Merkel fait les frais dans ces mêmes sondages de cette évolution et la popularité de la chancelière a quitté des sommets dont beaucoup de responsables politiques ne peuvent que rêver pour revenir à des niveaux plus modestes.
L’intéressée met toujours justement l’accent sur des solutions européennes et internationales pour réduire la pression actuelle et obtenir une baisse du nombre des nouveaux migrants qu’il s’agisse d’une harmonisation des politiques d’asile en Europe, de la création de hotspots en Méditerrannée, d’une meilleure protection des frontières extérieures de l’UE, d’un accord avec la Turquie ou d’une meilleure prise en charge des réfugiés dans les pays riverains de la Syrie.
En Allemagne, au sein du camp conservateur, les états d’âme s’affichent. Des députés CDU ont pris leur plus belle plume pour exposer leurs critiques à leur chef. Mais cet affront assez inédit dans un parti peu connu pour de vives discussions internes et des frondeurs rebelles ne doit pas être exagéré. Les intéressés se sont dégonflés et ont renoncé à faire adopter une motion anti-Merkel au sein de leur groupe parlementaire. Et les sondages montrent qu’une large majorité des membres et sympathisants de la CDU soutiennent toujours Merkel.
Reste le lion bavarois. La CSU rugit de plus en plus pour critiquer haut et fort la chancelière. On se demande parfois si l’aile méridionale et haute en couleurs de l’Union chrétienne-démocrate fait toujours partie de la coalition au pouvoir à Berlin. Mais les ultimatums à répétition envoyés par Munich ressemblent avec le temps à des pétards mouillés ; leur crédibilité et leur efficacité s’émoustillent.
La CSU veut surtout pour des raisons régionales obtenir des concessions de Berlin notamment une limite maximum de migrants parce que la région est particulièrement concernée par l’arrivée des réfugiés franchissant avant tout la frontière séparant la Bavière de l’Autriche. Et aussi parce que la CSU craint plus que tout la menace de partis populistes menaçant sa traditionnelle majorité absolue.
Difficile de trouver malgré cette atmosphère lourde pour Angela Merkel des putchistes purs et durs. Même à la CSU. L’hypothèse Wolfgang Schäuble souvent évoquée a ses limites. Le ministre des Finances dispose d’une autorité politique comme personne à droite. Mais le septuagénaire n’est plus très jeune et handicapé. S’il a émis des bémols sur la politique de Merkel sur le dossier des réfugiés, cet Européen de toujours est comme la chancelière convaincue que la solution des problèmes actuels est à trouver au plan international et ne réside pas dans d’illusoires mesures nationales comme une fermeture des frontières.
Et Angela Merkel reste le meilleur argument électoral, malgré tout, de la CDU. Derrière elle, c’est un peu le désert des Teutons. La CDU aurait bien du mal à trouver un responsable ayant un poids suffisant et dont la crédibilité n’est pas égratignée.
Le seul et unique putsch au sein de la CDU remonte à 1966 lorsque le chancelier Ludwig Erhard, le père du miracle économique, avait été poussé vers la sortie. En 1989, quelques mois avant la chute du mur, des rebelles d’un autre calibre que les poids plume d’aujourd’hui voulaient se débarrasser du « loser » Helmut Kohl avant de se dégonfler.
Reste l’hypothèse d’élections anticipées. Une procédure soumise à des critères constitutionnels très stricts comme on l’a vu en 2005 avec le social-démocrate Gerhard Schröder en grande difficulté au sein de son parti avec ses réformes sociales de l’agenda 2010 comparables à celles d’Angela Merkel aujourd’hui.
Mais personne n’a intérêt à ce que de telles élections soient organisées. Le seul gagnant en serait le parti populiste Alternative pour l’Allemagne crédité de plus de 10% dans les sondages désormais et troisième force politique. La CDU est en recul. Les sociaux-démocrates ne profitent nullement des difficultés de leur alliée Angela Merkel, pas plus que l’opposition parlementaire composée des Verts et de Die Linke.

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