Au soir du 18 septembre 2005, les chrétiens-démocrates d'Angela Merkel enregistrent leur plus mauvais résultat depuis la fin de la guerre et ne devance que d'un point les sociaux-démocrates emmenés par le chancelier Gerhard Schröder. Cet animal politique a réussi dans la dernière ligne droite à refaire une bonne partie de son handicap malgré cinq millions de chômeurs et des réformes sociales impopulaires. Lors d'un débat télévisé, Schröder triomphe affirmant péremptoire qu'Angela Merkel ne deviendra jamais chancelière. L'intéressée livide encaisse le coup, mais son heure finit par arriver. Deux mois après, elle est élue à la tête de l'Allemagne et dirige une coalition avec les sociaux-démocrates de Gerhard Schröder qui entre-temps a quitté la politique.

Dix ans plus tard, Angela Merkel dirige toujours l'Allemagne et présente une biographie de son prédecesseur. Interrogé sur sa prestation au soir du 18 septembre 2005, Schröder toujours aussi sûr de lui commente "une émission culte" tout en reconnaissant que sa mise en scène était "suboptimale". Angela Merkel n'épilogue pas et rend hommage dans sa présentation au "réformateur" Gerhard Schröder et son agenda 2010, ses réformes sociales qui pour la chancelière ont permis à l'Allemagne les années suivantes de se relever.

L'ex-chancelier et celle qui lui a succédé restent par leur personnalité plus différents que jamais. Le macho au sourire dévorant Gerhard Schröder, plus sûr de lui que jamais et une Angela Merkel réservée à la rhétorique souvent des plus circonspectes. Mais un respect mutuel transparait chez ses deux personnages qui malgré des origines très différentes étaient loin d'être prédestinés à devenir ce qu'ils sont devenus. Ni Gerhard Schröder dont le père est tombé au front à la fin de la guerre et que sa mère a élevé seule en faisant des ménages et qui devra, adulte, faire des études qu'il n'avait pas pu faire plus tôt; ni Angela Merkel, la physicienne est-allemande, dont la carrière politique commença à 35 ans et qui fut longtemps sous-estimée.