Le "Sommerloch", le "trou de l'été" en allemand, peut être très cruel. Surtout, pour un parti qui a le vent en poupe depuis des mois et qui recueille 13 à 15% des voix dans les sondages, un score très honorable pour les écologistes allemands (8,1% aux élections de 2005 et 10.7% en 2009). 

Mais voilà, le parti a beau être à des années lumière de ses débuts environnementalo-intégristes, il y a des rechutes qui peuvent faire mal. Surtout quand la classe politique est en vacances et que le moindre thème fait le buzz. En 1990, lors de la réunification, les Verts allemands montraient qu'ils ignoraient les préoccupations essentielles de leurs concitoyens avec des affiches proclamant "Tout le monde parle de l'unification, nous parlons du temps". Et huit ans plus tard, un congrès prônant un prix de l'essence à 5 DM (soit 2.50 Euros) leur donnait une bonne claque lors des élections marquées malgré tout par la victoire de la gauche. 

Dès hier, sans perdre de temps, des manifestants protestaient contre le Veggie Day proposé par les Verts. 

Les écolos allemands suggèrent en cas de victoire électorale de la gauche le 22 septembre prochain que les cantines publiques proposent une fois par semaine uniquement de la cuisine végétarienne, un Veggie Day (visiblement, le même parti ne plaide pas pour l'interdiction des anglicismes). 

Les Verts dénoncent les conditions d'élevage des animaux ainsi que l'utilisation trop fréquente des antibiotiques dommageable pour les bêtes comme pour les consommateurs. Les écologistes critiquent aussi les conséquences néfastes pour l'environnement de la production de viande provoquant des émissions dangereuses. On peut lire dans le commentaire d'un quotidien -un des rares favorables à cette proposition- que la production d'un kilo de viande de boeuf en Europe pollue autant l'atmosphère qu'une voiture moyenne sur 100 kilomètres.

Mais la proposition des Verts a provoqué une levée de boucliers en pleine période estivale alors que les barbecues recouverts de saucisses et autres côtelettes chauffent dur. Le quotidien "Bild Zeitung", l'organce officiel de "l'Allemagne d'en bas", dénonce "un parti qui veut imposer à tout le pays comment il doit se nourrir" et énumère les interdictions soutenues par les écologistes : consigne pour les bouteilles, lutte contre les rabais dans les magasins, taxe sur les sacs en plastique, interdiction de la pêche de nuit. 

Un député du parti libéral, mouvement par principe hostile à toute règlementation, a poussé le bouchon un peu loin et utilisé sur le net une image de propagande du Troisième Reich par laquelle l'Allemagne nazie plaidait pour le pain complet. L'élu conservateur qui a rapidement effacé cette image considère visiblement la proposition des Verts comme une insupportable immixtion dans la vie privée des Allemands. 

Bref, les Verts sont pour les commentateurs comme pour les autres partis à droite et à gauche des donneurs de leçons, des apôtres bobos bien pensants qui voudraient imposer leur manière de voir jusque dans les assiettes de leurs concitoyens. Les écologistes allemands prendraient donc la fameuse phrase de Bertolt Brecht "la bouffe d'abord et ensuite la morale" à rebrousse-poil.