Premier hommage officiel aux victimes homosexuelles de l'holocauste

Rudolf Brazda aurait eu cent ans ce 26 juin 2013. Il était sans doute le dernier déporté pour homosexualité. Décédé il y a deux ans, il n'aura pas pu avoir la satisfaction d'assister au premier hommage de l'Allemagne officielle à ces "triangles roses" longtemps oubliés et reniés après la guerre. 

Dimanche, un hommage a été rendu à Weimar à Rudolf Brazda et à ceux qui furent deux fois victimes de l'histoire. Ce mercredi, une cérémonie sera organisée à Paris et la flamme sous l'Arc de Triomphe sera ravivée pour celui qui ayant quitté son pays après la guerre s'était installé en Alsace avant d'acquérir la nationalité française. 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

L'invitation du Land de Thuringe pour la cérémonie officielle du dimanche 23 juin au théâtre national de Weimar à quelques kilomètres du camp de concentration de Buchenwald. 

Rudolf Brazda, fils d'immigrés tchèques, était né en Thuringe en 1913. Il fait son coming tout à vingt ans alors que Hitler arrive au pouvoir. Malgré la répression qui s'abat sur le pays, il vit très librement son homosexualité. Mais il est condamné à six mois de prison en raison de sa vie privée en 1937 avant d'être expulsé vers la Tchécoslovaquie. C'est là qu'il sera rattrapé pendant la guerre par l'occupant nazi et déporté en 1942 pour homosexualité au camp de Buchenwald. Les historiens estiment que 10.000 à 15.000 homosexuels sont morts dans les camps de concentration nazis. 

Malgré la dureté des conditions de vie, Rudolf Brazda survit. Après la guerre, il choisit de quitter l'Allemagne pour s'installer en France en Alsace où il rencontre un nouveau compagnon qui partagera sa vie durant un demi-siècle. 

En Allemagne, le paragraphe 175 du code pénal qui permettait aux autorités de poursuivre les homosexuels avait été durci sous le Troisième Reich. Cette version reste en vigueur en RFA jusqu'en 1994. Des milliers de condamnations seront prononcées dans les années 50 et 60 sur cette base. Autant dire que les déportés homosexuels préfèrent taire les motifs de leur déportation. Leur chance d'être indemnisés sont inexistantes. Ce n'est que très tard que justice leur sera rendue. Au début des années 2000, les arrêts rendus sur la base du paragraphe 175 sous le Troisième Reich sont cassés, les personnes concernés indemnisées. Aujourd'hui encore, une bataille politique et juridique se poursuit pour obtenir que les verdicts infamants rendus par la justice ouest-allemande de l'après-guerre sur cette même basse soient supprimés. 

Rudolf Brazda avec le maire de Berlin Klaus Wowereit devant le mémorial pour les victimes homosexuelles de l'holocauste dans la capitale allemande en 2008.

Rudolf Brazda apprend par la télévision qu'un mémorial pour les "triangles roses" (que portaient ces déportés dans les camps) va être inauguré à Berlin. Il prend contact avec des responsables et est invité sur place où il participe à la gay pride, la première de sa vie, à 95 ans. 

Ce mémorial existe. Des dépôts de gerbes ont régulièrement lieu à la mémoire de ces victimes. Mais aucune cérémonie officielle par laquelle l'Allemagne leur aurait rendu hommage n'avait jamais eu lieu. C'est chose faite depuis ce dimanche. La ministre-présidente chrétienne-démocrate de Thuringe a décidé de franchir le pas à l'occasion du centième anniversaire de Rudolf Brazda. Ce dernier qui était revenu à la fin de sa vie au camp de Buchenwald à quelques kilomètres de là n'aura pas eu la satisfaction de vivre cette reconnaissance officielle. Une photo le montre toutefois devant le bâtiment, le théâtre national de Weimar, où la cérémonie de dimanche dernier a eu lieu. Victimes comme plusieurs millions d'autres de la bestialité nazie, Rudolf Brazda se tient devant la statue de Goethe et Schiller, symboles d'une Allemagne humaniste et éclairée. C'est dans ce même théâtre que fut adopte la constitution de la république de Weimar en 1919.

 

 

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2 Comments

Merci pour ce très beau reportage.

C'est vraiment la fin des temps.

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