Quand la rédactrice en chef de "Brigitte" présente la discussion et annonce que l'on va parler de choses privées, un petit sourire en coin s'affiche sur le visage d'une Angela Merkel qui n'en pense pas moins. Ce monstre politique n'a jamais vraiment réussi à se faire un "poker face" ne laissant rien transpirer de ses pensées. Au théâtre Gorki, à deux pas de son appartement, on comprend que si elle se prête au jeu, il ne faut pas non plus trop attendre d'elle. On ne se refait pas. 

Angela Merkel évoque d'ailleurs le silence qui lui est cher et dont elle a eu le temps de jouir dans sa première vie de physicienne dans l'ex-RDA où cette fille de pasteur distante du régime savait qu'il valait mieux ne pas trop bavarder lorsqu'on n'était pas un apparatschick convaincu. 

"Le silence se fait rare dans notre société. On peut difficilement réfléchir et parler" souligne ainsi Angela Merkel qui par ailleurs revient sur la façon dont elle prend des décisions. L'ex-physicienne n'est pas quelqu'un qui fonctionne à l'instinct mais qui analyse les différentes solutions envisageables avant de trancher. Elle explique: "J'ai besoin de temps pour mûrir mes décisions. J'en prends rarement qui sont fondées à 100% sur un argument. C'est plutôt du 60/40. Mais une fois que je les ai prises je les applique". Un mode de pensée aux antipodes de celui par exemple d'un Nicolas Sarkozy qui s'est souvent énervé du manque de réactivité d'Angela Merkel. 

La chancelière dont les années de mandat depuis 2005 auront surtout été marquées par la crise et de nombreux sommets revient sur son image de bourreau de travail qui achève ses collègues au petit matin épuisés contrairement à elle par des heures de négociations.

"D'où vient le mythe selon lequel vous pouvez travailler toute la nuit et rester en forme?" Angela Merkel répond du tac au tac sous les rires du public : "Ca n'est pas un mythe c'est la réalité" avant de nuancer : "Je suis un peu comme un chameau. Je peux faire des réserves mais au bout d'un moment j'ai aussi besoin de faire une cure de sommeil". 

Lorsqu'elle doit sur la scène du théâtre à nouveau choisir entre deux mots en l'occurence "routine et situation d'exception", elle choisit le premier en rappelant que "c'est souvent la même chose". Applaudissements du public. Les rencontres en famille sont compliquées car une situation imprévue peut toujours se produire. Angela Merkel souligne qu'ellle apprécie de pouvoir parler d'autre chose avec son entourage que de politique et qu'elle n'est pas toujours en représentation. Celle qui aime bien mijoter des petits plats ajoute : "Lorsque je suis devant mes cassseroles, je ne suis pas la chancelière". 

Et monsieur dans tout ça. Joachim Sauer, le mari d'Angela Merkel est un physicien de renom des plus discrets qu'on ne voit que très rarement. L'occasion est trop belle pour les journalistes du magazine "Brigitte" d'en savoir plus notamment sur le rôle de conseiller politique que jouerait Joachim Sauer. Réponse de madame : "Il lui arrive même de me dire des choses sans que je l'interroge.". Rires dans l'assistance qui découvre une Angela Merkel peu connue du grand public très sérieuse, oratrice médiocre et peu douée pour les petites phrases. En privé, elle est connue pour son humour et son ironie voire pour ses imitations de responsables politiques Interrogée sur ce dernier talent, elle préfère le minimiser...

Angela Merkel et les hommes. Lorsqu'on lui demande ce qu'elle apprécie chez la gente masculine, une longue hésitation apparait avant qu'elle ne réponde sous forme de question "les yeux?". Quant à ce qu'elle envie chez les hommes, Angela Merkel qui a grandit à la campagne en revient à une classique répartition des rôles et évoque "la coupe du bois" doublée d'une voix plus grave.

Angela Merkel et le rôle des femmes. Un magazine féminin ne pouvait pas ne pas évoquer le sujet. "Non je ne suis pas féministe. Je crois que les femmes qui se définissent comme telles seraient un peu attristées si je me définissais comme telle". En même temps, la modernisatrice du parti chrétien-démocrate ne plaide pas pour une classique répartition des rôles. Si un jour une femme chancelière devait avoir des enfants en bas âge son mari pourrait rester au foyer pour s'en occuper. Et lorsque "Brigitte" lui remet à la fin de la discussion deux livres sur deux de ses passions, la cuisine et la musique classique, Angela Merkel suggère au magazine une anthologie des femmes compositeurs.

Sur l'avenir, Angela Merkel interrogée sur la femme qui pourrait lui succéder reste très prudente. Elle affirme ne pas avoir eu le temps de réfléchir à ce qu'elle ferait après la fin de sa carrière politique. Mais évoquant les enjeux démographiques de l'Allemagne, elle ajoute en passant "C'est aussi une très belle chose que les gens vieillissent".