La troika débarque à l'Elysée

Oui, vous avez bien lu.

Non, ce ne sont pas les méchants de l'Europe et du FMI qui viennent expliquer comme en Grèce à François Hollande comment remettre de l'ordre dans les comptes de la France.

Les trois mousquetaires ci-dessus qui seront reçu ce mercredi à l'Elysée sont de bons bougres, des sociaux-démocrates bien sous tout rapport. De gauche à droite: Peer Steinbrück l'ancien ministre des Finances de 2005 à 2009; Sigmar Gabriel, le patron du parti et Frank-Walter Steinmeier ancien ministre des Affaires étrangères et vice-chancelier du temps de la grande coalition sous la direction d'Angela Merkel.

Une petite vengeance de François Hollande contre Angela Merkel qui l'avait superbement ignoré durant la campagne électorale ? Peut-être. Le candidat socialiste n'avait pas décroché de rendez-vous auprès de la chancelière même pour une simple photo. Le fait de recevoir à l'Elysée les dirigeants du parti social-démocrate allemand qui espèrent bien surfer sur la vague Hollande pour accéder au pouvoir dans leur pays dans un an et demi ressemble étrangement à un mini-règlement de compte. 

Au sein de la majorité conservatrice allemande, on apprécie en tout cas que modérément ce déplacement. A demi-mots, on présente le SPD comme le parti de l'étranger qui irait prendre ses ordres à l'Elysée. Récemment un commentaire peu amène évoquait des "traitres à la patrie".

L'escapade parisienne de la troika n'est pas un hasard alors que la coalition emmenée par Angela Merkel et l'opposition (les sociaux-démocrates et les Verts) négocient d'arrache-pied l'adoption du  pacte budgétaire voulu et imposé par Angela Merkel pour que les causes de la crise actuelle de la zone Euro ne se reproduisent pas.

La chancelière a besoin d'une majorité des deux tiers pour faire adopter par le parlement allemand le pacte. Elle doit donc obtenir le soutien de l'opposition. Dans le passé, à quelques exceptions près, les députés sociaux-démocrates et verts ont voté comme un seul homme (et une seule femme) les différentes mesures de secours à la zone Euro.

A quinze mois des prochaines élections, l'opposition se demandent s'il ne vaudrait pas mieux faire autre chose que de l'opposition light pour convaincre les électeurs qu'il existe une alternative au gouvernement actuel. Seulement voilà, sur le pacte budgétaire, l'opération ressemble à un exercice de grand écart. Les Allemands soutiennent massivement la politique de rigueur prônée en Europe par Angela Merkel. Si la gauche donne l'impression qu'elle veut jeter l'argent par les fenêtres, a fortiori pour que d'autres  bénéficient d'un peu de croissance supplémentaire, les électeurs n'apprécieront pas forcément. Et puis SPD et Verts ne veulent pas égratigner leur image de partis responsables qui sur les grands enjeux internationaux, de l'Europe en passant par l'Afghanistan, ne se limitent pas à une opposition stérile.

Fort de la victoire de Hollande, les sociaux-démocrates veulent obtenir de la chancelière des concessions à commencer par une taxe sur les transactions financières. Mais cette revendication ne va pas assez loin pour l'aile gauche du parti qui exige plus. Un de ses responsables a ainsi déclaré traduisant tout le bien qu'il pensait du pacte budgétaire: "Ca ne sert à rien de planter quelques géraniums sur le tas de fumier". 

Certains demandent donc d'Angela Merkel plus que de vagues engagements ce qui promet notamment quelques chaudes discussions lors d'un congrès du SPD ce week-end. Car si les pragmatiques du parti social-démocrate comme chez les Verts veulent arracher des concessions à Angela Merkel, tout cela reste soft. Les euro-obligations par exemple ne suscitent chez ces responsables qu'un enthousiasme réservé. Récemment la co-présidente des écologistes Claudia Roth déclarait pour souligner les divergences avec le PS français : "Apparemment nous avons plus peur de Hollande que de Merkel"

Quant à certaines promesses du président français, elles passent mal auprès des camarades du SPD qu'il s'agisse d'un retour à la retraite à 60 ans pour certains salariés ou un taux d'imposition à 75% pour les plus riches. Avant les élections, Peer Steinbrück (à gauche sur la photo plus haut) avait même jugé "naïf" la volonté de François Hollande de renégocier le pacte budgétaire.

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