La présidentielle vue d'Allemagne: Merkozy bis ou Merkhollande?

Avec qui Berlin devra travailler demain ? La continuité va-t-elle l'emporter ? Ou un nouveau couple va-t-il voir le jour après le 6 mai? (photo Reuters)

C'est la question essentielle que se pose l'Allemagne. Une Allemagne qui regarde étonnée une campagne jugée surréaliste

"Une fuite collective face aux réalités" pour le quotidien conservateur "Die Welt" ou encore "Sur la lune" pour l'hebdomadaire "Der Spiegel" cette semaine qui ne faisait pas seulement allusion à Jacques Cheminade : pour la presse allemande, la campagne éléctorale française a des traits bien curieux. Dans un pays où les moeurs politiques sont plus consensuelles et où la bi-polarisation reste relative, les polémiques gauloises laissent certains pantois. Et surtout le fait que pour beaucoup de commentateurs les problèmes essentiels restent sur la touche. "On a eu par moment l'impression que les défis centraux de la France était la viande halal, la réforme du permis de conduire ou encore les horaires d'ouverture des piscines" ironisait il y a quelques jours "Die Welt".

Surprenant aussi pour les observateurs germaniques la présence d'un candidat comme Jacques Cheminade dont même le très sérieux "Finanicial Times Deutschland" a dressé le portrait. Quant aux candidats comme Philippe Poutou ou Nathalie Arthaud, ils rappellent ici plutôt les spartakistes de la fin de la république de Weimar.

Hormis les deux principaux rivaux, le combat entre Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon a suscité de nombreux commentaires, la presse allemande renvoyant dos à dos ceux qu'elle a qualifié "d'extrêmes".

Reste les deux candidats principaux. Le sortant Nicolas Sarkozy n'a pas bonne presse en Allemagne. En novembre dernier, le très sérieux hebdomadaire "Die Zeit" avait dressé un long bilan au vitriol de son action. Le mois dernier, le magazine "Der Spiegel" titrait sur "un président puéril"  qui ne se comporterait pas comme un chef d'Etat mais comme "un parvenu". Un bilan économique du président sortant peu flatteur paru en janvier dans la "Süddeutsche Zeitung" s'intitulait "Bonjour Tristesse". Le joournal "Die Welt" évoquait lui un "président last minute" qui souhaitait sur le tard après avoir cinq ans pour cela s'ateller au redressement des  finances publiques. Le quotidien des milieux d'affaires "Frankfurter  Allgemeine" évoquait lui "cinq années de chances perdues".

Plus récemment les déclarations de Nicolas Sarkozy sur le traité de Schengen ou le rôle de la banque centrale ont suscité les critiques de la presse allemande. Le mot "populisme" revenait dans différents commentaires. 

Mais ce bilan négatif du président sortant ne signifie pas que la presse allemande vote Hollande. "Die Welt" parlait début février d'un "rétro-président" accusé d'avoir comme programme des recettes étatiques des années 70 fleurant bon l'union de la gauche de l'époque. "Hollande promet le paradis sur terre avec des dépenses publiques et peu de marché", analysait en début de semaine en une le "Tagesspiegel" de Berlin.

Le quotidien de centre-gauche de Munich "Süddeutsche Zeitung" tentait début mars de corriger le tir en soulignant que le candidat du PS n'était pas un socialiste poussiéreux mais "un social-démocrate pragmatique". Mais cela ne signifie pas pour autant qu'il soit sur la même longueur d'onde que ses camarades du SPD allemand. Pour l'aile droite des sociaux-démocrates notamment comme l'ancien ministre des finances Peer Steinbrück le report de l'âge de la retraite ou la règle d'or sur la limitation du déficit budgétaire sont incontournables.

Pour autant, le SPD pourrait exploiter un succès de Hollande comme levier pour augmenter ses chances de revenir au pouvoir dans un an et demi. Même si aujourd'hui, ce retour a de bonnes chances de se faire sous la direction d'une chancelière... Merkel avec un remake d'une grande coalition, une majorité de gauche paraissant improbable.

La presse allemande n'est en tout cas pas convaincue par les promesses des candidats qu'elles ne jugent pas à la hauteur des enjeux. Elle dresse un bilan noir de l'économie française et estime que le "principe de réalité" reprendra le dessus après la campagne.

"La France est un pays économiquement malade" estime "Der Spiegel". "L'économie française n'est plus compétitive" pour "Die Welt" qui évoque des coûts du travail trop élevés et une innovation trop faible. Le quotidien conservateur regrette qu'aucun candidat n'évoque ces problèmes et que personne ne veuille sérieusement s'attaquer à une réduction des dépenses. Le "made in France", le "buy european act", le taux d'imposition majoré à 75% de François Hollande pour les plus riches, le patriotisme industriel ou encore une dose de protectionnisme ne sont pour "Die Welt" que des "recettes placebo" et du "folklore électoral".

Restent les conséquences de l'élection pour les relations bilatérales et pour l'Europe. Angela Merkel est cette fois allée plus loin que ses prédecesseurs en soutenant résolument Nicolas Sarkozy et en envisageant de participer à des meetings de campagne du candidat sortant. Un soutien qui lui a été reproché en Allemagne. La chancelière a en revanche modéremment apprécié d'apprendre à travers un entretien radiophonique de Nicolas Sarkozy que l'UMP se passerait de ses services sur les tréteaux. Les déclarations du président français sur Schengen ou en direction de l'électorat du Front national ont pu ensuite calmer Angela Merkel qui n'aurait pas nécessairement apprécié d'entendre de tels propos aux côtés du candidat Sarkozy. L'hebdomadaire "Die Zeit" s'était d'ailleurs interrogé interpellant la chancelière "Est-ce vraiment votrefavori, Madame Merkel?"

Le "Spiegel" avait titré en février sur un "pacte désespéré" pour évoquer le soutien apporté par Berlin à Nicolas Sarkozy. Angela Merkel ne voulait pas pour l'hebdomadaire d'un président Hollande opposé au pacte fiscal européen et à la règle d'or et défendant en revanche les eurobonds exclus jusqu'à aujourd'hui par l'Allemagne. La chancelière qui avait brièvement reçu Ségolène Royal en 2007 n'a finalement pas ouvert ses portes au challenger socialiste de Nicolas Sarkozy. Le ministre libéral des affaires étrangères Guido Westerwelle avait ouvertement critiqué la chef du gouvernement allemand rejettant ce qu'il considérait comme une immixtion dans la campagne électorale d'un pays ami, une immixtion qui pouvait provoquer des dégâts collatéraux si le candidat ouvertement rejetté était finalement élu.

C'est désormais l'hypothèse retenue à Berlin comme en France. L'Allemagne espère pouvoir trouver une solution sans conflit majeur sur le dossier du pacte fiscal, peut-être sous la forme d'un protocole additionnel. Certes le couple Merkozy avait entre-temps trouvé son rythme de croisière et Angela Merkel malgré les effets de surprise toujours possibles de son allié savait en cinq ans comment le "gérer".

Un couple Merkhollande avant de mériter ce nom traduisant un rapport quasi-fusionnel devra d'abord comme tout nouveau partenariat franco-allemand se connaître ainsi que les équipes qui l'entoure. Mais les observateurs pensent que François Hollande est mieux préparé pour cet exercice que Nicolas Sarkozy en 2007, que les difficultés de la crise actuelle notamment les risques pour la France imposeront plus que jamais de trouver des compromis avec l'Allemagne.

Enfin, même si les questions de personnes ne doivent pas être surestimées, la réservée Angela Merkel préférant analyser en bonne physicienne une nouvelle situation, y compris brûlante et sous-peser les conséquences de diverses options pourra peut-être plus aisément travailler avec un homme connu pour son désir d'aboutir à des accords consensuels. 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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