Les rois de Prusse, oui, les communistes non !

La statue de Marx et Engels au coeur de Berlin ne plait pas au ministre des Travaux Publics, le conservateur bavarois Peter Ramsauer aimerait bien expulser ces reliques de l'ex-Allemagne de l'Est. C'était sans compter sans le rejet des autorités berlinoises.

Les deux papes du socialisme trônent en plein coeur du Berlin historique. A deux pas de la mairie et du château de Prusse qui doit être reconstruit ces prochaines années en lieu et place du défunt Palais de la république est-allemand prié de disparaître comme symbole d'un passé dont on ne voulait plus entendre et surtout voir.

Les deux compères se trouvent sur l'ancien "Marx-Engels-Forum" qui a lui déjà perdu son nom, un grand espace de verdure là où avant la guerre s'élevait un quartier très dense héritier du Berlin du Moyen-Age.

Ce lieu où se trouve encore aujourd'hui une des plus vieilles Eglises de la ville et la tour de télévision post-moderne a été aménagé par la RDA dans les années 80. Marx et Engels, les pères spirituels du régime ne devaient pas manquer à l'appel. Les dirigeants est-allemands auraient préféré d'ailleurs une pose plus héroïque et avait évoqué la possibilité de placer le monument sur un socle surélevé, mais le sculpteur s'y était opposé.

Cette oeuvre très politique n'avait pas empêché les Berlinois de l'Est avec leur humour corrosif habituel de rebaptiser le monument "Sakko et Jacketti". Une référence aux anarchistes américains d'origine italienne chantés par Joan Baez, le tout matiné d'un jeu de mot germano-allemand évoquant les vestes très bourgeoises que portent les deux penseurs. Une blague racontait aussi que Marx était assis à côté d'Engels, effondré de voir ce que le socialisme réel avait fait de ses idées.

En 2010, le monument avait été déplacé de quelques dizaines de mètres en raison de la construction d'une nouvelle ligne de métro. Ironie de l'histoire, Marx et Engels ne regardent désormais plus vers l'Est mais vers l'Ouest.

La sculpture a toujours beaucoup de succès auprès des touristes. Le motif est très apprécié pour les clichés souvenirs comme le montre le bronze très poli par de nombreux fessiers des genoux de Karl. Friedrich debout observe impassible ces scènes pas toujours digne du père du socialisme.

Le monument a défrayé la chronique cette semaine après la sortie inopinée du ministre conservateur des travaux publics. Peter Ramsauer a en effet estimé que le monument consacré aux vaches sacrées du socialisme aurait mieux sa place dans une espèce de zoo pour vieilleries idéologiques, le cimetière de Friedrichsfelde à l'Est de la ville, lieu de pélerinage des héritiers pas très primesautiers du spartakisme qui chaque mois de janvier emmitouflés dans leurs manteaux et leurs écharpes rendent hommage à un autre Karl (Liebknecht) et à Rosa Luxemburg assassinés en 1919 par les sbires des "sociaux-traîtres".

La gauche radicale n'a pas du tout apprécié les déclarations du ministre des Travaux publics. Le patron du groupe parlementaire de "Die Linke" au parlement régional berlinois s'est demandé si Peter Ramsauer (qui n'est pas compétent a fortiori pour prendre une décision) n'avait pas "perdu toute relation avec la réalité". Le secrétaire d'Etat à la Culture de la ville, un social-démocrate bon teint, a évoqué "un refoulement de l'histoire" qui ne pouvait pas être pour lui la bonne solution. Le monument est pour André Schmitz le témoignage d'une certaine époque historique et doit être exposé "dignement".

Le ministre des Travaux Publics n'est pas le premier depuis la chute du mur à prendre position contre la statue de Marx et  Engels. Le monument reste un des derniers héritages de l'ex-RDA encore exposés dans l'espace public. Une statue de Lénine au centre ville et installée sur la place portant autrefois le nom du fondateur de l'URSS a été démontée en 1991. On voit sa tête dans le film à succès "Good Bye Lénine" ressortie des oubliettes de l'histoire transportée au bout d'un câble par un hélicoptère.

De même que le Palais de la république construit dans les années 70 sur le site de l'ancien château de Prusse dont les restes avaient été dynamités par la RDA en 1950 a dû disparaitre, une tendance à vouloir supprimer des témoignages de l'ancienne Allemagne de l'Est existe.

L'ex-palais de la république

Indépendamment de tout attachement politique, il peut paraître curieux que ces témoignages d'un chapitre de l'histoire allemande doivent être radicalement supprimés. D'autant plus que l'ancien ministère de la Propagande nazie de Goebbels est toujours debout et abrite le ministère du Travail de même que le gigantesque ministère de l'Air d'un certain Hermann Göring symbole d'une architecture typiquement nazie trône en plein coeur de la ville.

L'ancien ministère de l'Air de Hermann Göring, aujourd'hui le ministère des Finances

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2 Comments

Maurice et Orion : merci de votre pgsasae ! Je pense que partout ou il y a a boire, on retrouve peu ou prou le meme genre de traditions, qui naissent a la fin d'un banquet, avant de se propager un peu partout, jusqu'au jour ou on en oublie l'origine...

Enfin bon, le parti "Die Linke" selon vous "gauche radicale", on fait mieux...

Quant aux "sbires des "sociaux-traîtres" dont vous parlez, c'est à dire les fameux corps-francs organisés par les monarchistes ultra-nationalistes pour être le bras armé du gouvernement provisoire social-démocrate selon le fruit d'un accord secret afin de combattre la dynamique révolutionnaire qui a mis fin, fin 1918, à la fois à la guerre et au Reich impérial, ils n'incarnent historiquement pas moins, et à de nombreux points de vue, l'origine du nazisme.

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