05 déc. 2011 - 17:38
Il ne s'agit pas de s'interdire et d'interdire toute critique de la relation franco-allemande ou de la politique de Berlin. Mais certaines références historiques que cultive volontiers la rhétorique politique française sont irresponsables.
Quand le socialiste Arnaud Montebourg compare la politique d'Angela Merkel à celle de Bismarck, il évoque moins des réformes sociales introduites des décennies avant la France que la volonté d'exporter par la force un modèle qui se veut dominant. Quand Jean-Marie Le Guen, un autre socialiste, compare l'attitude de Nicolas Sarkozy à celle du premier ministre Edouard Daladier à la conférence de Munich en 1938, il sous-entend sans le dire que le président français brade les intêrêts de la France. Mais plus grave il compare sans le dire Angela Merkel à Adolf Hitler et l'Allemagne d'aujourd'hui au Troisième Reich, le modèle économique allemand s'étant substitué au panzers nazis pour régenter l'Europe.
Et Julien Dray, encore un socialiste, a aussi raté une occasion de se taire en déclarant après le discours de Nicolas Sarkozy à Toulon jeudi dernier que c'était dans la rade de ce port que la flotte française s'était sabordée quand les armées allemandes étaient entrées en zone Sud en 1942.
Autant de dérives démagogiques et populistes qui au-delà du combat politique français et des critiques contre la politique -de 2011- d'Angela Merkel sont dangereuses. Ces déclarations ont l'avantage pour les intéressés d'être autant de petites phrases qui séduisent les médias et sont reprises. Mais elles risquent par leurs excès et des comparaisons déplacées de raviver des vieux démons qui dans la relation franco-allemande restent malheureusement sous-jacents et peuvent remonter rapidement à la surface.
Les excès de la presse populaire germanique contre les Grecs amateurs de gabegie et incompétents ont dans le même registre sans doute contribué à creuser le fossé et les préjugés des Allemands contre leurs voisins du Sud avec des outrances inacceptables. Il serait dangereux que pour dénoncer un dirigeant de droite de brader les intérêts du pays -une accusation lourde pour un Nicolas Sarkozy qui joue à côté de son rapprochement avec Angela Merkel la carte nationale- on creuse le fossé non seulement entre les deux pays mais aussi entre les peuples.
François Hollande présent lundi au congrès des sociaux-démocrates à Berlin n'a pas condamné ouvertement ses camarades. Devant les journalistes français, il a relativisé ces déclarations en soulignant que la presse allemande n'avait consacré qu'une brève aux propos d'Arnaud Montebourg. Le candidat du PS a aussi souligné les déclarations de l'ancien chancelier social-démocrate Helmut Schmidt au congrès de son parti dimanche. Le nonagénaire, véritable star de la vie politique allemande, a souligné que l'Allemagne devait faire attention à ne pas rouler les mécaniques pour ne pas créer des réactions négatives chez ses voisins. Il se rapproche en cela des propos de son successeur à la chancellerie Helmut Kohl qui affirmait qu'il fallait toujours s'incliner deux fois devant le drapeau tricolore et qui laissait souvent la priorité à ses alliés français même si ses propres propositions étaient sur la table.
On pourrait espérer que l'Allemagne comme d'autres pays puissent jouer sa carte nationale sans que les vieux démons qu'on croyait appartenir aux oubliettes de l'histoire ne réapparaissent. Mais cela n'est pas encore le cas. Et de même que le couple franco-allemand devrait multiplier les précautions pour ne pas être perçu comme un directoire européeen -face il est vrai à un vide sidéral de ses partenaires sur le plan des propositions-, l'Allemagne devrait faire preuve de plus de flexibilité dans ses négociations avec la France. Mais la scientifique Angela Merkel défend il est vrai des solutions comme elle effectuerait une démonstration en laboratoire. Toute souplesse l'exercice fausserait les résultats. Il manque à la chancelière ce sens politique de ses prédecesseurs, une certaine vision de l'histoire et la capacité à se projeter au-delà d'une gestion au jour le jour de la crise.
Comme vous le voyez, on peut être critique sans évoquer Bismarck, Daladier, Hitler et les autres. Nous sommes en 2011. Parlons plutôt du futur au lieu de réchauffer les plats nauséabonds d'hier. Mais je ne suis pas il est vrai en campagne électorale.
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