Hallali en Germanie

Combien de temps encore ? Combien de temps la coalition rapiécée, déchirée et sans boussole d'Angela Merkel va-t-elle encore tenir le coup ? Près de deux ans après les dernières élections générales, l'Allemagne dont le cours européen n'est pas toujours facile à suivre se paie le luxe, bien inutile par les temps qui courent, d'une gouvernance incontrôlée entre des partis songeant avant tout à leurs intérêts égoïstes avant de s'intéresser au pays et accessoirement au sort de l'Europe.

Ach, que cela parait loin. Il y a deux ans, la coalition longtemps souhaitée par les chrétiens-démocrates avec les libéraux remportaient une victoire. Après quatre ans de partage du pouvoir entre la CDU d'Angela Merkel et les sociaux-démocrates, on allait voir ce qu'on allait voir.

On a vu, oui. Ou plutôt, on se demande si on a bien vu, si on n'a pas fait un mauvais rêve tant une gouvernance chaotique sur fond de bisbilles à répétition et de décisions contradictoires étonne dans un pays nordique où le sérieux et l'esprit de responsabilité paraissent inscrits dans les gênes des indigènes. 

Il faut certes être juste avec Angela Merkel. Les brebis galeuses de son gouvernement, ce sont avant tout ses partenaires libéraux et chrétiens-sociaux bavarois qui lui ont mené la vie dure. Les premiers, rengorgés par leur victoire historique de septembre 2009 et soucieux d'appliquer leurs idées après onze ans d'opposition, y compris par des mesures comme la TVA rabaissée pour les hôteliers, pur clientélisme électoral. Le ministre des affaires étrangères et patron du parti Guido Westerwelle a continué à jouer les tribuns agressifs en politique intérieure et laisse un bilan plus que terne en politique extérieure. A l'arrivée, il est débarqué au printemps de ses fonctions de président du parti et doit abandonner son poste de vice-chancelier. Il est condamné à se morfondre au ministère des affaires étrangères pour réfléchir sur ses erreurs multiples, son bilan médiocre et son impopularité historique.

Les chrétiens-sociaux bavarois, eux, sont à l'inverse sur la défensive. Leur bastion historique menace de leur échapper. Leur majorité absolue, une évidence quasi biblique dans cette région catholique, a disparu. Ces chiens à l'aboi hurlent avec les loups pour rameuter des troupes qui les abandonnent, n'hésitent pas à longueur de temps à ignorer avec insolence la politique menée à Berlin par leurs alliés pour se refaire une santé avec des propositions populistes. 

Cette troupe d'éclopés ne brille pas plus sur le dossier du moment à savoir la crise de la dette. Angela Merkel a longtemps, fidèle à ses habitudes, temporisé, analysant la situation et les forces en présence, avant sur la scène européenne de faire avec quelques mois de retard une politique qu'elle avait rejettée auparavant. 

Mais quand ses alliés libéraux n'hésitent pas à surfer sur l'euroscepticisme des Allemands pour se refaire une santé politique alors qu'ils atteignent des abysses dans les sondages, une ligne rouge est franchie. Hans-Dietrich Genscher, l'éternel ministre des affaires étrangères d'Helmut Kohl doit avoir des noeuds à l'estomac en voyant aujourd'hui comment son parti libéral, tradtionnellement pro-européen, n'hésite pas à exploiter la dette de l'Euro à des fins électorales. 

Le ministre de l'Economie et vice-chancelier, Philipp Rösler, a lundi par ses déclarations sur une faillite possible de la Grèce provoqué l'affolement des marchés, troublé un peu plus les cartes et pris le contrepied de sa patronne Angela Merkel. Cette dernière l'a diplomatiquement rappelé à l'ordre. Mais rien n'y fait. A Berlin, où l'on vote demain et où le FDP n'est crédité que de 2 à 3% des voix dans les sondages, la tête de file du parti dans la capitale allemande a au dernier moment abandonné les thèmes de campagne locaux pour dénoncer les aides à la Grèce. 

Un tel amateurisme étonne. Les critiques pleuvent sur la gouvernance -ou plutôt la non gouvernance- des responsables allemands. Déjà, on parle de nouvelles élections ou de la constitution d'une grande coalition droite-gauche comme entre 2005 et 2009 face à une crise de la dette toujours plus menaçante. 

Certes la situation actuelle n'a rien de simple et les problèmes deviennent de plus en plus complexes. Mais on reste étonné de voir un pays d'ordinaire si responsable que l'Allemagne gouverné de la sorte. Le premier pays de la zone Euro mérite mieux. 

Et ce alors que la situation économique y reste positive. Le gouvernement aurait pu sans nul doute par une véritable gouvernance tirer les fruits de ces résultats alors que son impopularité est supérieure à la situation réelle du pays aujourd'hui. 

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1 Comments

Bravo Pascal pour cette superbe analyse

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