Bon, c'est vrai la photo retouchée ci-dessus est sans doute un peu trop flatteuse. Mona Angela a vu ces derniers mois son aura pâlir sur la scène internationale. Devenue pour beaucoup "Madame Non", elle n'est plus vraiment en cour dans les capitales étrangères où l'on critique de plus en plus "l'égoïsme" allemand face à la crise de l'Euro.

Les choses ne sont pas aussi simples qu'on l'explique souvent. La volonté de Berlin de lutter contre la cause des crises pour ne pas se contenter de jouer à pertes les pompiers en exigeant que les pays en difficultés fasse le ménage chez eux n'est pas complètement illogique. Mais c'est vrai, la politique de communication allemande a été assez désastreuse et les explications de texte pour le moins peu convaincantes. 

Reste que l'Allemagne sort renforcée de la crise la plus grave de l'après-guerre. Après une chute du PIB de près de 5% l'an passé, l'économie a rebondi en 2011 avec une croissance qui frôle les 4%. Le chômage décroit et est inférieur à son niveau d'avant la crise. Les exportations ont repris du poil de la bête et fait nouveau les Allemands ne rechignent plus à consommer. Des accords salariaux plus généreux et un optimisme revenu devraient confirmer cette tendance en 2011.

Le grand paradoxe politique de cette année qui s'achève aura été l'incapacité du gouvernement a engrangé les dividendes de ces résultats plutôt flatteurs. Le ministre de l'Economie, Rainer Brüderle, a beau commenter dans des accents toujours aussi euphoriques les résultats de la conjoncture et la "croissance XXL", rien n'y fait. La popularité du gouvernement a sévèrement baissé.

Les bisbilles au sein du gouvernement et les noms d'oiseaux que les uns et les autres se sont adressé ont achevé de ruiner le crédit du nouveau gouvernement. Les chrétiens-démocrates d'Angela Merkel se maintiennent à un niveau à peu près équivalent à leur score des dernières élections générales de septembre 2009 (34%).

Les libéraux y avaient engrangé un succès historique; ils sont aujourd'hui en pleine crise. Si des élections avaient lieu demain, ils ne seraient sans doute pas représentés au parlement.

Le leader du parti et ministre des affaires étrangères, Guido Westerwelle, est responsable dans une large mesure de cet échec. Son trône tremble de plus en plus. Son bilan ministériel est des plus minces. Cet agité du microcosme politique n'a pas fait ses preuves sur la scène internationale. Alors que les ministres des affaires étrangères battent traditionnellement des records de popularité en Allemagne, son harakiri politique involontaire produit l'effet inverse.

Les hommes n'ont pas brillé de toute façon cette année dans la classse politique. Pour la première fois, un président de la république a jeté l'éponge. Horst Köhler a démissionné au printemps appréciant peu les commentaires négatifs après ses propos sur le fait que l'Allemagne défendrait en Afghanistan également des intérêts économiques. Plusieurs barons régionaux chrétiens-démocrates se sont retiré de la vie politique.  Angela Merkel peut dormir malgré le marathon électoral de 2011 avec sept scrutins régionaux: sur ses deux oreilles. Même si les résultats promettent d'être médiocres, personne ne peut lui faire désormais  de l'ombre.

La seule exception dans cette hécatombe masculine reste le sémillant ministre de la Défense, le baron von und zu Guttenberg. Non seulement, il passe bien la rampe (ainsi que sa femme Stefanie), mais en plus il commence à prouver au fond qu'il n'est pas un poids plume grâce à une réforme historique qui doit faire de la Bundeswehr l'an prochain une armée de métier mieux à même d'affronter les défis d'un pays de plus en plus appelés à intervenir sur les théâtres extérieurs.

Certes, les Allemands restent peu convaincus par le bilan de leur gouvernement. Faute d'élections cette année, c'est surtout sur le terrain que leurs états d'âme se sont exprimé. On l'a vu par exemple avec une votation en Bavière où un referendum d'initiative populaire a imposé une règlementation plus stricte contre les fumeurs dans les lieux publics. Ou surtout avec les protestations massives contre le projet de nouvelle gare centrale à Stuttgart. De nombreuses manifestations ont eu lieu et ensuite une médiation très médiatique entre partisans et opposants du projet retransmise intégralement à la télévision a ouvert un nouveau champ d'expérimentation de la vie politique. La mobilisation fut aussi importante contre le retour à l'automne de déchets nucléaires retraités de France. La décision du gouvernement de prolonger la durée de vie des centrales a redonné du sang neuf aux opposants de cette source d'énergie qui reste impopulaire en Allemagne. 

Si les grèves politiques y sont interdites et quasi inconnues (contrairement à la France) pour faire plier ou tenter de faire plier le gouvernement, la société civile reste très vivante et dynamique pour rejetter des projets concrets.

"Wutbürger" -mot à mot les citoyens en colère- a d'ailleurs été consacré "mot de l'année 2010" suivi de "Stuttgart 21" du nom du projet de nouvelle gare centrale dans la capitale du Bade Wurttemberg.

La société allemande aura aussi été secouée en 2010 par deux débats de fond aux relents assez suspects : d'abord le scandale massif de pédophilie qui a frappé l'Eglise catholique (mais pas seulement elle) et qui a débouche ensuite sur la mise en place d'une table ronde. L'autre discussion de fond a tourné autour de l'immigration alimentée par le best-seller de l'ancien membre du directoire de la Deutsche Bank Thilo Sarrazin. Dans son livre "L'Allemagne court à sa perte", le social-démocrate en rupture de ban, accuse les immigrés -à commencer par les Turcs les plus nombreux- de tous les maux, y compris avec des arguments génétiques qui ont rappelé de très mauvais souvenirs en Allemagne.

Le contre-exemple aura été l'équipe nationale de foot bien mal en point en amont du mondial et qui est revenue d'Afrique du Sud avec un bilan positif. Une Mannschaft renouvelée, jeune, dynamique, plus multiculturelle que dans le passé et qui a donné de l'Allemagne une image moderne et sympathique.

Les plus vieux -toutes choses égales par ailleurs- ont fait pâle figure: qu'il s'agisse du capitaine Michael Ballack blessé pour la coupe du monde et dont le côté machine à gagner pas toujours très cool en a pris un coup. Même chose pour un autre Michael. Schumacher, pourtant rangé des voitures, et fort d'un bilan historique en Formule 1, il a voulu remettre ça. Mais son come back a plutôt fait pitié. D'autant plus que le titre de champion du monde du très jeune Sebastian Vettel a emballé l'Allemagne. Avec son côté rafraîchissant et son esprit "rebelle", il fait plus rêver l'Allemagne que l'ancienne machine de guerre Michael Schumacher.

Une remarque qui vaut pour la gagnante du grand prix Eurovision de la chanson Lena Meyeer-Landrut fin mai. Avec "Satellite", la jeune fille de 19 ans a non seulement offert à l'Allemagne une victoire que son pays n'avait plus empoché depuis des lustres. Elle a aussi comme le monde du sport, dans un pays pourtant vieillissant, gagné le coeur de ses compatriotes -et au-delà et mis l'Allemagne sur orbite. Elle remet ça l'année prochaine.