14 déc. 2010 - 18:43
(photo AFP)
Ach, les unes d'antan ! Il n'y a pas si longtemps Angie était présentée comme "Madame Europe" voire "Miss world" après sa présidence du G8.
Depuis quelques mois, la chancelière allemande est devenue "Madame Non". Elle se voit accuser, surtout à l'étranger, de se livrer à un remake de Maggie Thatcher, jouant les dames de fer germaniques refusant de lâcher par égoïsme national les cordons de la bourse face à la crise de l'Euro, et plus spécialement à celle de tel ou tel Etat financièrement à bout de souffle.
Face à elle, Wolfgang Schäuble, pas un tendre non plus, loin de là. Mais le ministre des Finances allemand fait office ces derniers temps de dernier des mohicans, pardon d'Européen qui y croit toujours, un spécimen un peu exotique dans une réserve naturelle où s'ébat encore cette espèce en voie de disparition
Le magazine "Der Spiegel" titre cette semaine sur "Le coeur contre le cerveau" pour décrire le duo Schäuble/Merkel. D'un côté, l'héritier de l'ère Kohl, le seul ministre né durant la guerre, qui a grandi à la frontière franco-allemande et qui salue en l'Europe, comme son père en politique, un projet qui a apporté au vieux continent la période de paix la plus longue de son histoire.
Des accents pathétiques étrangers à la plus que sobre Angela Merkel. Parce que ça n'est pas le style de la maison; mais aussi parce la chancelière est plutôt une Européenne de raison que de coeur, comme son prédecesseur social-démocrate Gerhard Schröder. Pour l'ex-Allemande de l'Est et la très rationnelle Angela Merkel, l'Europe est d'abord un instrument profitable à une économie aussi internationalisée que celle de l'Allemagne.
Les récentes prises de position de Wolfgang Schâuble, parfois sybillines, parfois plus directes, montrent en revanche que le ministre des Finances croit toujours à une Europe politique dont l'intégration pourrait profiter de la crise actuelle obligeant les Etats à travailler plus étroitement ensembles voire à abandonner une partie de leurs souverainetés.
Cette vision différente entre la chancelière et son ministre s'illustre régulièrement dans des déclarations sinon divergentes, mais dont l'esprit est bien distinct. Ainsi au printemps, Schäuble avait lancé l'idée d'un fonds monétaire européen avant de se faire tirer les oreilles par sa patronne qui a imposé la présence du FMI au sein du plan de sauvetage de l'Euro.
Sur les obligations européennes chères au premier ministre luxembourgeois Jean-Claude Juncker et dont Merkel a dit le peu de bien qu'elle pensait, là aussi un subtil distinguo était perceptible. Certes Wolfgang Schâuble les a rejettées avant de préciser qu'elles seraient un jour envisageables si les Etats membres acceptaient de déléguer une partie de leurs compétences fiscales à Bruxelles. Le ministre reconnaissait qu'il n'y a pas de majorité aujourd'hui en Allemagne pour une telle mesure. "Mais si vous nous donnez quelques mois pour y travailler, on peut y arriver" a précisé le ministre. Des déclarations assez violemment rejettées dans les rangs conservateurs.
Il est vrai aussi que le dernier "Kohlien" est au bout de sa carrière et se fiche pas mal du marathon électoral de l'an prochain qui devrait être douloureux pour son mouvement, le parti chrétien-démocrate.
Le week-end dernier, le grand argentier insistait dans une interview à "Bild am Sonntag" affirmant: "Nous aurons dans dix ans en Europe une structure qui se rapprochera beaucoup plus de ce qu'on peut appeler une union politique". Pour Wolgang Schäuble, la question se pose face aux problèmes actuels de l'Euro: une politique monétaire commune peut-êlle fonctionner sans une politique financière et fiscale coordonnée.
Le très francophile ministre à qui on reproche parfois dans son pays de faire un peu trop les yeux doux à Paris pourrait par exemple s'imaginer fusionner les ministères des Finances des deux pays. Dans un premier temps, il avait proposé de le faire pour les départements chargés de la réflexion stratégique des deux maisons. Commentaire de son homologue Christine Lagarde: "Une proposition intéressante". En termes non diplomatiques, la réponse de Bercy constitue une fin de non recevoir assez cinglante.
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