07 déc. 2010 - 15:25
Varsovie, le 7 décembre 1970. Il y a quarante ans, le chancelier Willy Brandt se rend dans la capitale polonaise pour poursuivre une Ostpolitik, une politique de rapprochement avec le bloc communiste très critiquée dans son pays. L'objectif primordial est la reconnaissance de la frontière Oder-Neisse qui sépare depuis 1945 l'Allemagne (de l'Est) de la Pologne.
Peu avant le voyage, les Allemands demandent aux autorités polonaises, peu enthousiastes, d'inclure au programme officiel un dépôt de gerbe du chancelier devant le mémorial à la mémoire des victimes du ghetto de Varsovie. Un ghetto où furent entassés 450.000 juifs et dont l'insurrection en 1943 fut réprimée sauvagement par les Nazis.
C'est là que Willy Brandt, le résistant anti-nazi qui avait dû fuir son pays s'agenouille.
"Il s'agenouille, lui, qui n'en a pas besoin pour tous ceux qui devraient le faire mais ne le font pas parce qu'ils n'osent pas ou ne le peuvent pas". Le reporter du magazine "Der Spiegel" qui assiste à la scène résume la surprise mais aussi le symbole de ce geste spontané, celui d'un opposant au nazisme qui avait trouvé refuge en Norvège, que certains de ses opposants politiques avaient qualifié de "renégat" comme d'aucuns avaient hué Marlene Dietrich à son retour à Berlin au début des années 60.
La scène provoque des polémiques en Allemagne. Les conservateurs qui rejettent l'Ostpolitik et la reconnaissance des frontières d'après-guerre vécue comme une trahison parlent de "trahison". Dans un sondage à chaud pour "Der Spiegel", 48% des Allemands jugent le geste de Brandt exagéré. Seuls les plus jeunes le soutiennent. Pour la génération de 68, Willy Brandt incarne une rupture avec l'Allemagne d'après-guerre où un commentateur des lois raciales nazies de Nuremberg travaillait à côté du chancelier conservateur Adenauer. Le prédecesseur de Brandt, Kurt-Georg Kiesinger avait été membre du parti nazi. Beate Klarsfeld, qui allait se consacrer avec son mari Serge, à la traque des anciens responsables nationaux-socialistes venaient d'administrer publiquement une gifle à Kiesinger.
Le geste de Willy Brandt est passé sous silence dans la Pologne communiste comme en RDA. Les hôtes du chancelier allemand ne sont pas prêts à pardonner. Ils ne veulent pas non plus donner un écho à un geste qui remet en cause leur vulgate "du mauvais Allemand".
Mais ailleurs, la photo du chancelier allemand s'agenouillant devant le mémorial des victimes du ghetto fait le tour du monde. Le magazine américain "Time" fait de Willy Brandt en 1970 "The man of the year". L'année suivante, le social-démocrate obtient -c'est une première pour un Allemand depuis la guerre- le prix Nobel de la Paix.
2 Comments
Ce n'était pas suffisant. Il lui fallait aussi faire un geste envers les polonais et les russes.
Tres fort son geste. Je pense qu'en allemagne de grandes personalités sont encore plus rares qu'en france, l'allemand moyen etant habituer de se fondre dans la masse consensuelle et lors de discussions de cacher sa propre personne derrière ses propos hyperrationels.
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