Le château est mort, vive la pelouse !

Les plans d'économies peuvent aussi avoir du bon. Parmi les mesures adoptées lundi par le gouvernement allemand figure également le report du projet de reconstruction du château de Prusse au coeur de Berlin. La nostalgie wilhelminienne bat de l'aile. Vive l'avenir !

On nous rebat les oreilles depuis la chute du mur avec ce projet. La défunte RDA à peine enterrée, le Palais de la république construit par le régime communiste dans les années 70 en lieu et place du château de Prusse dont les restes avaient été dynamités par  la RDA en 1950 ferme ses portes. L'amiante menace. Peu importe que le palais des congrès à Berlin-Ouest ait des problèmes équivalents. Ce symbole honni par l'Ouest du régime est-allemand où siégait le parlement de "l'Etat des ouvriers et des paysans" ferme ses portes. C'était un édifice à l'esthétique certes douteuse mais qui abritait aussi de nombreux lieux de spectacles, des bars et des restaurants. Dans un Berlin-Est tristounet, le bâtiment avait la cote auprès des autochtones. Sa fermeture, plus tard son désamiantage et sa destruction constituent pour eux un symbole de l'impérialisme occidental.

Le Palais de la république à Berlin-Est

Curieux d'ailleurs: le ministère de l'Air ou de la Propagande de types pas très bien sous aucun rapport comme Hermann Göring ou Joseph Goebbels sont restaurés avec acrimonie après la chute du mur. On pourrait presque faire dans la germanophobie primaire et se demander pourquoi les traces d'un certain passé méritent d'être conservées, aussi sulfureuses soient-elles, et pourquoi d'autres doivent disparaître. 

Les partisans du château ont lancé leur offensive dès le début des années 90. Ils estimaient que les communistes avaient commis un crime en détruisant les restes de l'édifice en 1950 et que celui-ci avait valeur de pierre angulaire du paysage berlinois venant clôturer la longue perspective qui commence à la porte de Brandebourg en allant vers l'Est.

Après des débats interminables, le parlement allemand avait finalement opté en 2002 pour une reconstruction aux trois quarts, pour une sorte de Disneyland avec trois façades baroques et une moderne. Quant au contenu, il a longtemps été vague jusqu'à ce qu'on décide d'y installer les collections ethnologiques de premer plan de la ville de Berlin et une bibliothèque. 

Le projet qui devait commencer en 2011 est chiffré à 550 millions d'Euros. La décision de lundi prévoit un report de trois ans. Mais il pourrait s'agir d'un enterrement de première classe.La reconstruction du château n'a pas la cote auprès des Berlinois. 80% d'entre eux la rejettent. L'association chargée de récuperer des dons auprès des amoureux de l'époque wilhelminienne n'a obtenu que vingt millions d'Euros et en a dépensé déjà une bonne partie pour son administration. On est loin de l'engouement provoqué à Dresde par la reconstruction après la chute du mur de l'Eglise Notre-Dame.

Berlin a toujours été une ville tournée vers l'avenir où des destructions ont toujours laissé la place à de nouveaux projets. Le château romprait avec cette tradition et l'esprit qui colle plus que jamais à une ville en perpétuel renouvellement loin de certains centre-villes muséeaux que cultivent d'autres métropoles européennes.

La pelouse qui a été semée en lieu et place du Palais de la république est-allemand a donc encore de beaux jours devant elle. Elle est accessible contrairement aux sacro-saints espaces verts parisiens et fait déjà le bonheur des Berlinois et des touristes.

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