Le "zéro noir" ou "schwarze Null": la nouvelle vache sacrée allemande

Ceci n'est pas une oeuvre d'art gigantesque prévue par l'architecte de Hitler Albert Speer et son projet de nouvelle capitale Germania. Non, la caricature de Marian Kamensky illustre le débat économique du moment en Allemagne. "Die schwarze Null" ou "le zéro noir" soit zéro déficit budgétaire en 2015, pour la première fois depuis 1969.

Mais voilà, l'économie allemande donne des signes de faiblesses. Et les esprits s'échauffent. Faut-il comme le souhaite le gouvernement rester inflexible et respecter les engagements pris pour un équilibre budgétaire sacro-saint ou profiter des marges de manoeuvre pour doper une conjoncture qui ralentit?

 

Tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes germaniques jusqu'à la rentrée. L'Allemagne se gargarisait de ses performances économiques. La mano en la mano, la grande coalition droite-gauche distribuait des cadeaux à ses électeurs ravis (introduction du salaire minimum généralisé et amélioration des retraites). Chrétiens et sociaux-démocrates filaient le grand amour.

Après l'avoir voté ensemble lors de la précédente grande coalition entre 2005 et 2005, la règle d'or qu'on appelle ici comme souvent d'un terme moins euphémiste "le frein contre la dette-Schuldenbremse" doit entrer en vigueur à partir de 2017 pour l'Etat fédéral et un peu tard pour les régions. Le déficit ne devra plus alors dépasser 0.35% du PIB. En attendant, sans économies particulières -ce qui n'empêche pas d'ailleurs l'Allemagne de les réclamer à ses voisins-, Berlin grâce à des rentrées fiscales toujours plus abondantes a vu ces dernières années son déficit fondre comme neige au soleil ou comme la mousse de la bière après avoir été tirée.

Le ministre des Finances Wolfgang Schäuble

 

Mais la dégradation de la conjoncture depuis l'été suscite des débats de plus en plus houleux. Les exportations reculent, la croissance a été revue à la baisse, les carnets de commande des industriels sont moins remplis. Les économistes critiquent un gouvernement pensant trop à distribuer des cadeaux et moins à faire des réformes. L'Allemagne souffre d'un déficit d'investissements publics et privés. Alors que le budget fédéral est déjà pratiquement à l'équilibre ce dont d'autres pays ne peuvent que rêver, de plus en plus de voix parmi les experts, la gauche mais aussi les milieux économiques réclament soit des dépenses supplémentaires soit des allégements fiscaux pour stimuler la conjoncture.

La chancelière Merkel comme son grand argentier Wolfgang Schäuble sont sous pression. En Allemagne comme à l'étranger, de plus en plus de voix réclament à Berlin de sacrifier sa nouvelle vache sacrée "le zéro noir" sur l'autel de la croissance. Mais Merkel et Schäuble ne veulent pas modifier leur politique. Ils perdraient la face et ils savent aussi que leur gestion est populaire auprès d'Allemands qui épargnent plus que d'autres -même mal- et sont profondément marqués par l'idée qu'on ne doit pas dépenser plus qu'on ne gagne.

Certains sociaux-démocrates ont des états d'âme. Leur patron, le vice-chancelier et ministre de l'Economie Sigmar Gabriel affiche une solidarité à toute épreuve avec sa patronne Angela Merkel. Il sait que son parti toujours aussi bas dans les sondages n'aurait rien à gagner auprès d'électeurs qui ne veulent pas "jeter l'argent par la fenêtre", a fortiori pour des pays voisins trop laxistes. Le SPD va devoir ronger son frein en spéculant sur une dégradation supplémentaire de la conjoncture qui pourrait conduire la chancelière et son ministre des Finances à revoir leur copie.

 

 

 

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