The german Angst

Il y a beaucoup d'anglicismes en allemand. Mais peu de mots germaniques ont été repris à l'étranger. Les Anglo-Saxons ont "Angst" -traduisez "peur"- et dans un registre plus léger "Kindergarden" (en allemand "Kindergarten"). En France, la montée en puissance des mouvements écologistes dans les années 80 nous a enrichi du "Waldsterben" (la mort de la forêt). 

 

Le livre de la journaliste Sabine Bode "La maladie allemande-German Angst" paru il y a quelques années

 

 

 

 

"The german Angst" serait-elle de retour avec les accidents nucléaires au Japon et l'abstention de l'Allemagne sur la résolution onusienne prévoyant une zone d'exclusion aérienne en Libye?

L'Allemagne est le seul pays doté de centrales nucléaires qui a imméditatement après les accidents au Japon pris des décisions immédiates avec un moratoire de trois mois gelant la décision de prolonger la durée d'utilisation des réacteurs. Sept d'entre eux vont être arrêtés; la probabilité qu'ils reprennent du service est des plus mince. 

La couveture des médias allemands a été énorme et très vite focalisée sur les centrales de Fukushima faisant passer à l'arrière-plan le tsunami et ses victimes comme si le site était aux frontières de l'Allemagne. L'hostilité traditionnelle au nucléaire a augmenté d'un coup comme l'ont montré des sondages. 70% des personnes interrogées jugeaient même qu'un accident comparable était envisageable en Allemagne. A quand un tsunami sur les bords du lac de Constance ?. Les tablettes d'iode se sont bien vendu entre Munich et Hambourg comme les appareils mesurant la radioactivité. 25 ans après, l'effet Tchernobyl a fait un come back fracassant.

Nulle part ailleurs donc le gouvernement n'a pris aussi vite des mesures concrètes. Moins par peur des dangers qu'en raison des craintes d'une sanction venant des électeurs. Le ministre de l'environnement l'a reconnu, la sécurité n'est pas un sujet scientifique mais dans une grande mesure psychologique.

Les peurs des Allemands face aux dangers pour l'environnement, aux catastrophes naturelles, aux vaches folles, aux oiseaux grippés et plus globalement à l'avenir ont été expliquées par de savants experts de différentes façons : par le mythe de la forêt dans l'âme romantique des Allemands, par les traumatismes subis durant la guerre par les plus âgés, par les complexes d'une population à l'identité fragile, j'en passe et des meilleures. 

Ces peurs souvent incontrôlées ont aussi été évoquées il y a une dizaine d'années lorsque l'Allemagne était considérée comme le malade de l'Europe, la peur de l'avenir et le manque de confiance en soi n'étant pas vraiment des facteurs de dynamisme favorisant la prise de risque. Les Allemands sont il est vrai assurés contre tout et n'importe quoi, la sécurité reste une valeur des plus centrales. Avant qu'un plan ne soit mis en oeuvre -et même pour des activités de loisirs- les alternatives les plus terribles sont évoquées pour y remédier avant que les risques ne pointent le bout de leur nez. Pour le latin habitué des décisions spontanées suivies de rétablissements acrobatiques face à des imprévus aléatoires, la vie n'est pas simple... mais sûre. 

Même chose sur le dossier libyen où l'Allemagne qui -histoire oblige- se veut à cheval sur la défense des droits de l'homme a préféré s'abstenir à l'ONU évoquant les risques liés aux implications militaires de la résolution.

Et sur ce dossier aussi, le gouvernement s'est couché devant l'opinion publique massivement opposée à toute intervention sur des théâtres extérieurs quitte à voter avec des pays peu droitdelhommistes comme la Russie ou la Chine. Le courage en politique prend d'ordinaire d'autres atours.

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1 Comments

Bonjour Monsieur,

Je me permets de répondre à votre article sur un point seulement, la question de la "peur allemande" étant, comme vous le soulignez justement, très (trop?) complexe. Vous estimez que la non-intervention militaire en Libye décidée par le gouvernement allemand a été prise sous la pression de l'opinion publique. C'est possible, mais je crois qu'en cela il y avait une entente rare entre les deux, à savoir un scepticisme de fond quant à l'efficacité d'une intervention militaire en vue d'un but humanitaire et de défense des droits humains. Etant membre d'amnesty international, j'ai pu suivre attentivement les longs débats menés au sein de l'organisation à ce sujet (une intervention militaire est-elle souhaitable et justifiable dans un contexte humanitaire?) et aucune déclaration univoque n'a pu être faite à ce propos. Et le fait est là: en Libye, les pertes humaines civiles sont nombreuses et aucune victoire décisive n'a pu être remportée sur le dictateur. Comme dans beaucoup d'autres domaines, prévenir vaut mieux que guérir, et il eût été souhaitable de montrer dans le passé plus de fermeté envers Kaddhafi . La politique des droits humains demande en effet un courage rare dont aucun gouvernement n'a été capable jusqu'à présent, car les déclarations d'intention ont dissimulé des rapports commerciaux toujours aussi florissants. C'est le machiavélisme et la realpolitik qui règnent en maîtres dans ce domaine, et il n'est aucunement sûr qu'une politique plus intransigeante trouverait le plein accord des populations qui profitent iindirectement d'un PIB "boosté" par ces échanges. Dictature ou démocratie, le capitalisme fait feu de tout bois, et son odorat s'accomode fort bien de l'odeur du sang des victimes.

Avec mes salutations

MD Hollen

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