Quand les gros mots ne fâchent plus

Le faire sans le dire: c'est ainsi qu'on pourrait traduire l'attitude de Berlin sur le "gouvernement économique" européen, un souhait de toujours de Paris qui a longtemps fait figure de chiffon rouge en Allemagne. Aujourd'hui, Angie parle d'un "pacte de convergence et de compétitivité". Quand le jargon technocratique évite de s'étriper.

Le président français Nicolas Sarkozy (d) et la chancelière allemande Angela Merkel, au sommet de l’Union européenne, à Bruxelles, le 4 février 2011.
RFI/Piotr Moszynski

Déjà dans les années 90, avant l'introduction de l'Euro, les Français souhaitaient un gouvernement économique à côté de la banque centrale européenne dont l'indépendance calquée sur le modèle de la Bundesbank allemande était sacro-sainte. A Paris où la politique monétaire a toujours été beaucoup plus marquée par l'interventionnisme de l'Etat et comprise comme un instrument parmi d'autres à disposition de la politique économique du gouvernement, cette indépendance a longtemps irrité.

Paris est régulièrement reparti à l'assaut de la forteresse monétaire de Francfort en défendant la création d'un "gouvernement économique" au sein de la zone Euro. Pour Berlin, de telles ambitions ont toujours fleuré un colbertisme suspect et un interventionnisme étatique dans la politique monétaire dans un pays où les excès de l'inflation dans les anénes vingt et après la seconde guerre mondiale ont provoqué des traumatismes profonds. 

Les coups de butoir de Nicolas Sarkozy au début de la crise financière puis économique à partir de l'automne 2008 dans ce sens n'ont pas plus conduit Berlin à céder. Aujourd'hui, on est conscient en Allemagne que les problèmes actuels de la zone Euro s'expliquent pour partie par des disparités trop importantes entre les politiques économiques et sociales des Etats membres. Berlin ne veut pas se contenter de jouer les pompiers à chaque fois qu'une nouvelle crise s'entrouvre mais remédier aux causes des maux actuels. Surtout, lorque la première puissance économique européenne est la plus sollicitée financièrement.

Le deal d'aujourd'hui entre Paris et Berlin qui se sont rapproché se traduit par une acceptance par l'Allemagne de la nécessité d'une gouvernance économique dans la zone Euro baptisée par Angela Merkel "pacte de convergence et de compétitivité". Mais Berlin impose ses conditions. Certains craignent déjà une Europe allemande, un Diktat germanique impliquant une domination politique de Berlin au sein de la zone Euro et l'obligation pour les voisins d'adopter le modèle économique allemand de ces dernières années.

Mais comme depuis le début de la crise de l'Euro accompagnée de critiques nombreuses contre "Madame Non" qui serrerait de trop près les cordons de la bourse privilégiant les intérêts égoîstes de l'Allemagne face à l'avenir de l'Europe, les choses ne sont pas aussi simples. 

Car la chancelière doit en Allemagne marcher sur des oeufs. Ses concitoyens sont plus que sceptiques quant à des abandons de souveraineté à l'égard de l'Europe, surtout s'il s'agit pour faire simple, de payer pour les autres. Et avec un marathon électoral marqué par sept scrutins régionaux cette année, Angela Merkel doit éviter d'alimenter le scepticisme de ses électeurs. 

Et la chancelière doit aussi compter avec des alliés au sein de sa coalition peu séduits par une plus grande coordination des politiques économiques et sociales européennes. Le parti libéral, traditionnellement fer de lance de l'intégration européenne -on se rappelle le grand ministre des Affaires étrangères Hans-Dietrich Genscher- joue par populisme aujourd'hui la carte de l'euroscepticisme. Et les conservateurs bavarois, eux, ont toujours été réticents à toute intégration supplémentaire.

Au niveau européen, la nouvelle idylle de raison entre Paris et Berlin, doit tout autant faire preuve de doigté pour ne pas donner encore plus l'impression que les autres partenaires n'ont plus qu'à sanctionner les décisions du duo Angela-Nicolas. 

Mais alors que Berlin était souvent accusé de tous les maux il y a quelques mois -et le reste en partie encore- il ne faut pas oublier que les propositions actuelles peuvent conduire à un approfondissement de la construction et de l'intégration européenne en parachevant un processus à demi conclu dans les années 90 avec une union monétaire qui n'avait pas son pendant en matière économique et sociale.

 

 

 

 

 

 

 

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