Chassés-croisés franco-allemands

Les dernières semaines ont été marquées par un rapprochement entre Paris et Berlin qu'il s'agisse de la politique économique et sociale ou diplomatique.

Mais l'exercice ne va pas dans chaque pays sans des états d'âme et des critiques. 

 En France, on a vu François Hollande lors de ses voeux et plus tard lors de sa conférence de presse présenter son pacte de responsabilité. Les recettes qu'il propose rappelle assez la politique de l'offre initiée sous Gerhard Schröder (SPD). Et la volonté de développer le dialogue social  fait écho aux relations plus consensuelles entre partenaires sociaux en Allemagne.

François Hollande qui avait déjà l'an dernier lors du 150ème anniversaire du SPD salué les réformes sociales de Gerhard Schröder (ce que dans son parti on n'aime pas toujours se voir rappeler) a fait lors de sa conférence de presse son coming out social-démocrate ajustant son discours sur ses actes.

En Allemagne où la France avait depuis un an et demi subit des critiques sévères pour sa politique économique, on se félicite de cette évolution. Ce rapprochement avec le voisin est salué par d'aucuns. Mais ces louanges ne doivent pas être trop appuyées. Car de l'autre côté de la frontière, le modèle économique et surtout social allemand fait souvent figure de chiffon rouge pour la gauche et une partie des syndicats. 

En Allemagne, le nouveau gouvernement de grande coalition droite-gauche semble enfin faire ce que beaucoup en France et ailleurs réclament depuis longtemps, soutenir la demande. Les généreuses promesses électorales des chrétiens et des sociaux-démocrates additionnées dans l'accord de coalition conclu à l'automne prévoit de nombreuses dépenses supplémentaires .

On peut citer l'introduction d'un salaire minimum généralisé qui doit relever le niveau de revenu des plus pauvres et augmenter leur pouvoir d'achat. On peut aussi évoquer les modifications en matière de retraites adoptéées en conseil des ministres cette semaine pour ceux qui ont commencé à travailler très jeunes ainsi que pour les femmes qui ont eu des enfants. D'autres mesures sont prévues pour donner un coup de pouce aux infrastructures allemandes parfois mal en point. 

Ces chassés-croisés provoquent d'étonnantes réactions. En France, la droite est en porte à faux sur des propositions qu'elle aurait pu faire. La gauche traine des pieds. Et la référence à l'Allemagne fait grincer des dents. 

En RFA, "la mère de famille souabe" économecomme se définit Angela Merkel lâche du lest. A l'étranger, on ne peut qu'approuver. Chez elle, la chancelière est critiquée fortement pour des dépenses jugées néfastes pour le marché de l'emploi et les dépenses publiques. Difficile on le voit d'être prophète en son pays.

Sur la scène diplomatique, l'Allemagne bouge. Le départ des libéraux et de leur ministre des Affaires étrangères Guido Westerwelle, partisan résolu d'une retenue de son pays lors d'interventions internationales y contribue.

Le nouveau et ancien ministre des Affaires, le social-démocrate Frank-Walter Steinmeier, plaide pour un engagement plus important de l'Allemagne, y compris aux côtés de son allié français (confer le Mali et la Centrafrique). Le ministre peut aussi par là redorer le blason au plan intérieur d'un ministère qui a perdu en importance. 

La nouvelle ministre de la Défense, la chrétienne-démocrate Ursula von der Leyen, qui rêve un jour de succéder à Angela Merkel,se veut encore plus volontariste quitte à critiquer des grincements de dents dans son parti comme à gauche, dans un pays traditionnellement pacifiste. Beaucoup de commentateurs critiquent des interventions militaires jugées à courte vue et souhaitent également une réflexion stratégique sur leur bien fondé et l'évolution sur la durée des pays où elles se déroulent. Les contre-exemples irakien ou afghan sont dans toutes les têtes. 

Ursula von der Leyen, Européenne convaincue, qui dans le passé avait plaidé pour les Etats-Unis d'Europe souhaite à terme une plus grande intégration en matière de Défense.A Paris où on se réjouit de la nouvelle solidarité affichée de l'Allemagne, l'hypothèse, encore très utopiste, d'une armée européenne va sans doute laisser de marbre. Difficile encore pour "la grande nation" comme on l'appelle ironiquement en Allemagne en référence à une grandeur posthume d'accepter une telle vision.

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